Festival de Budapest, Pleyel, 09/01/2010

Publié le par Friedmund

 

 

Richard Wagner

Siegfried-Idyll

Wesendonck-Lieder


Igor Stravinski

Petrouchka

Ernst von Dohnanyi

Minutes symphoniques, finale (bis) 

 

Orchestre du Festival de Budapest

Petra Lang  mezzo-soprano

Ivàn Fischer  direction

 

 

En à peine plus de deux ans, Paris nous aura offert dans les Wesendonck-Lieder les wagnériennes les plus accomplies de notre époque : Deborah Polaski, Mihoko Fujimura, Violeta Urmana, Nina Stemme, et encore récemment dans la même salle, Waltraud Meier. En fragments seulement, mais somptueux, Grace Bumbry compléta à sa façon,  comme en gloire tutélaire des décennies précédentes, le quintette prestigieux précédemment nommé. Voici désormais le tour de Petra Lang de nous livrer son interprétation du célèbre cycle wagnérien. Et la déception est à la mesure de l’enthousiaste souvenir qu’elle m’avait laissé la saison dernière lors du prodigieux concert viennois qui réunissait également Pierre Boulez, Maurizio Pollini ou encore Alain Damiens. L’interprétation semble massive, cuirassée, dénuée de tout frémissement, de toute langueur, de tout abandon, et, j’ose, de toute féminité. La voix est incontestablement solide, cuivrée, sans faille, mais rien n’émane de ce chant sinon la solidité. La couleur même ne semble pas la plus appropriée, et la sensibilité manque de trop. Der Engel est extérieur, Im Treibhaus tente des nuances travaillées mais sensibles, Traüme semble bien prosaïque et terrestre ; seul Schmerzen séduit par la puissance et l’énergie de la voix qui se fonde avec un orchestre également emporté. Le contraste avec la lecture orchestrale d’Ivàn Fischer dessert partout ailleurs la chanteuse. Là où Lang est cuirasse, Fischer est frémissement, subtilité, lisibilité, à l’image de ce Stehe still qu’il ouvre chambriste ou encore de ce Im Treibhaus paré des vibrations les plus feutrées et délicates mais pourtant si prenantes.  Une occasion ratée donc. Ou tout du moins une interprétation aux antipodes de celles que je goûte habituellement dans ce cycle, le merveilleux enregistrement de Felicity Lott et du Quatuor Schumann en tête.

 

Siegfried-Idyll, précédemment en ouverture du concert, s’est révélé pour sa part délectable. Malgré des cordes fournies bien au-delà du quatuor initial dessiné par Wagner, Ivàn Fischer obtient une sonorité d’ensemble exquise et sensible. Les cordes savent rester superbes mais discrètes, tapis chaleureux et délicat aux interventions somptueuses et châtiées de chacun des pupitres de bois et de cuivres. La tendresse est diffuse, le lyrisme raffiné, la chaleur omniprésente. Cosima Wagner avait entendu à sa création cette musique comme un songe merveilleux la tirant de son sommeil un matin de Noël. Egal bonheur personnel d’entendre cette musique ouvrir cette nouvelle année comme dans un rêve.   

 

De Petrouchka je ne dirai guère que quelques mots, du simple fait du manque d’appétence caractérisé que j’éprouve pour cette musique. Les pupitres du Festival de Budapest y brillent incontestablement d’autant plus que Stravinski leur permet tour à tour de déployer la beauté de leurs timbres, de leurs intonations, de leurs phrasés. Fischer m’a semblé ici plus compact qu’à l’habitude, plus soucieux de masse que de lisibilité, dense et tendu certes, mais aussi un rien épais ; la partition y est sans doute pour beaucoup. Le virevoltant bis d’Ernst von Dohnanyi, en forme de pétillement impétueux de cordes (j’ai pensé à l’ouverture de la Fiancée Vendue), a permis de finir ce concert sur une note plus positive en retrouvant toutes les qualités de musicalité et de finesse d’un chef et d’un orchestre que j’apprécie habituellement sans détour. L’esprit et la beauté musicale de cette pièce orchestrale alimentait le regret d’une seconde partie que j’aurais bien vue consacrée à ce musicien trop peu joué et connu là où Stravinski est déjà bien et souvent servi.

 

Bilan mitigé en somme pour ce concert, rayonnant avant tout d’un superbe Siegfried-Idyll et du réjouissant bis de Dohnanyi aux deux extrémités du concert. Frustration que l’on relativisera en se souvenant que les derniers concerts parisiens des mêmes, que ce soit le Festival de Budapest et son chef principal puis ensuite Ivàn Fischer à la tête du  Concertgebouw, furent exceptionnels et que le programme présenté ce soir n’appelait d’office pas tout à fait aux mêmes émotions.

 

Post scriptum

 

Ecouté et réécouté à l’issue du concert, et avec beaucoup de plaisir et de bonne humeur, l’enregistrement de la Quatrième de Mahler par les mêmes Festival de Budapest et Ivan Fischer (Channel Classics). Sous la baguette de Fischer cette musique danse sérieusement joyeuse et légèrement grave à la fois, en somme parfaitement viennoise et mahlérienne. L’ensemble est d’une humeur réjouissante, la douceur et la tendresse affleurent en permanence, la gourmandise (le premier mouvement!) constante, le tout chante et s’habille de mille couleurs chaudes et détails chatoyants ; la finesse de touche est éblouissante et l’élégance suprême. Un grand disque, et une alternative discographique sérieuse au charme indémodable de Bruno Walter pour qui préférerait une lecture plus corsée et colorée mais sans lourdeur.     

 

 

Publié dans Saison 2009-2010

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