Festival de Budapest, Pleyel, 04/10/2008

Publié le par Friedmund

 
Gustav Mahler : Symphonie n°3

 

Orchestre du Festival de Budapest

Le Jeune Chœur de Paris

La Maîtrise de Paris

Birgit Remmert, mezzo-soprano

Ivàn Fischer, direction

 

 

Les hasards de la programmation de Pleyel rapprochaient en cette fin de semaine deux œuvres qui ont bien des points en commun. La Turangalîla-Symphonie donnée la veille partage en effet bien des choses avec la Troisième de Mahler : une même longueur inhabituelle, une structuration originale qui élargit la forme traditionnelle de la symphonie,  l’introduction d’éléments exogènes au genre (la cantate pour Mahler, le concerto pour piano pour Messiaen), et, bien évidemment, le même panthéisme fervent. Mais revenons à notre propos initial, à savoir le concert du jour.

 

La qualité de l’Orchestre du Festival de Budapest invité à cette fête mahlérienne m’a laissé sans voix. Je ne crois pas avoir entendu depuis bien longtemps des cuivres d’une telle splendeur et d’une telle perfection. Si on ajoute la pure beauté des bois, l’étonnante éloquence des percussions, la capacité des cordes à se fondre et à restituer les climats les plus différents avec une finesse permanente, on tient là sans doute une des plus belles formations symphoniques du moment, digne de rivaliser avec n’importe quelle phalange des plus renommées. Il en va après tout des orchestres comme des crus bordelais : les titres de noblesse les plus anciens valent pour ce qu’ils sont, c'est-à-dire des marques de prestige indéniables, mais tout cela ne présente plus qu’une signification toute relative au moment de la dégustation. S’il ne possède pas encore tous les titres de gloire de certaines formations plus anciennes, cet orchestre budapestois est tout simplement aujourd’hui de la classe des plus grands.

 

Fondateur et directeur musical de l’orchestre, Ivàn Fischer n’est pas pour rien dans sa qualité du moment. Et Fischer est encore l’indiscutable artisan de la réussite de cette superbe lecture mahlérienne : avoir un bel orchestre n’est pas tout, encore faut il en tirer des choses intéressantes. Le Kräftig initial est admirable de dosage, de clarté, chauffé à blanc mais surtout d’une élégance folle. Que ce soit dans la puissance ou le murmure, les fines touches ou les rondes envolées, l’interprétation du chef se révèle d’une musicalité constante et sans faille. Une vraie splendeur qui déclenche dès sa conclusion les applaudissements d’un public ravi. Le menuet, d’une finesse remarquable et quasi chambriste, danse d’un pas délicat et aérien, délectable. Sous la baguette de Fischer, les animaux de la forêt gambadent ensuite dans un scherzo aux teintes du jardin d’Eden : tout ici sonne pastel et frais et semble apaisé et hors le tourment. Rompant avec les usages, le public applaudit encore à nouveau chaleureusement le chef et son orchestre. On le comprend bien volontiers.  Le lied nietzschéen qui suit déçoit un peu à l’orchestre, trop sonore mais pas assez présent. Son mystère profond et sa poésie évocatrice n’échappent pourtant nullement au beau mezzo de Birgit Remmert qui sait parer à merveille le texte de Nietzsche de toutes les teintes nocturnes de son timbre. La cantate miniature à suivre est un bijou : Fischer distingue avec beaucoup de netteté ici la mezzo, là les cordes, plus loin encore les bois et les cuivres, et, enfin, les chœurs, irréprochables, de la Maîtrise de Paris et du Jeune Chœur de Paris. Le tableau angélique, caressant, joyeux et éthéré, est d’ailleurs brillamment brossé. Le finale, de suite enchaîné, est chaleureux en diable, lyrique et prenant mais sans excès, puis est porté à son point culminant avec autant de rondeur que de tension.

Succès triomphal lors des saluts finals, et multiples rappels bien mérités pour les protagonistes de cette remarquable exécution mahlérienne.              

 

 

 

Publié dans Saison 2008-2009

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