Messiaen à la grande manière bavaroise

Publié le par Friedmund

 

Etrange sentiment en notre époque de pleine mondialisation de l’interprétation : ce chef et cet orchestre pour la grandiose symphonie concertante Turangalîla d’Olivier Messiaen me semblaient sur le papier comme quelque chose de plus exotique encore que le propos du compositeur. Serait-ce d’avoir trop entendu dans cette œuvre Myung-whun Chung, né à Séoul pourtant, au disque et au concert avec des orchestres français ? Ou bien un réflexe franco-centré ? Peu importe de toute façon, la curiosité était immense, parce que je raffole de l’ouvrage d’une part et qu’il n’était pas question d’en manquer une exécution, et d’autre part parce que je tiens en haute estime et le chef et l’orchestre.

Le résultat, hautement enthousiasmant à une faute insigne près, se révèle en tout point conforme au style usuel de Mariss Jansons : tempi mesurés mais rythmique implacable, maîtrise absolue de la masse orchestrale dans une restitution très claire et analytique, pâte sonore somptueuse et élégante, noblesse du geste et de la perspective. L’ensemble sonne parfois très viennois, comme dessiné au laser plutôt que peint des milles couleurs jaillissantes de l’univers musical si propre à Olivier Messiaen. Pas de chocs primitifs ici,  ni de forces telluriques déchaînées : la puissance est ici totalement tenue, jamais déferlante ou outrée. C’est assurément beau, d’une grande musicalité, sans temps mort ni relâchement dynamique, et même assez impressionnant. Comme souvent avec Jansons, on pourra trouver l’ensemble un peu sage, la prise de risque limitée, mais c’est là le miroir en creux de ses meilleures qualités. On reste par contre pantois de la qualité technique de l’exécution, de la discipline totale des pupitres de l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise. Virtuosité des cordes agiles et expressives sans jamais devenir envahissantes, cuivres précis et souverains, percussions impressionnantes. Bravo ! Si du second balcon les ondes Martenot de Cynthia Millar ne sont pas toujours distinctement audibles, leur sensibilité plus à nu s’impose palpable et émouvante ; sans pour autant jamais  rattraper les conséquences pénibles de ce mauvais réglage fort préjudiciable tant ces ondes Martenot sont essentiels à cette partition. Le piano de Jean-Yves Thibaudet imprègne l’ensemble de l’œuvre de sa fermeté, de son poids, de sa virtuosité sans cesse éloquente, saisissante même parfois.

Ovations bien méritées pour tout le monde aux saluts finals pour une exécution d’une rare maîtrise technique en ce 12 janvier, sans cesse intéressante, qui jamais ne laisse se relâcher l’attention dans l’océan complexe et parfois sinueux de cette riche partition. Mais en regrettant d’autant plus les couleurs troublantes des ondes Martenot par trop absentes, seule faute, mais faute insigne tout de même, d’une soirée sinon remarquable. 

Publié dans Saison 2012-2013

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