Anna Caterina Antonacci, Favart, 19/06/2010

Publié le par Friedmund

 

 

Gabriel Fauré: Mandoline, En sourdine, Green, A Clymène, L’Extase

Reynaldo Hahn: Tyndaris, Phyllis, Fumée, L’énamourée Le printemps

Alfred Bachelet: Chère nuit

Paolo Tosti: My Memories, Love me !, Summer, Once more, Love’s way

Pieradolfo Tirindelli: Amor, Amor!

Pietro Cimara: Scherzo

Arturo Toscanini: Nevrosi

Ottorino Respighi: Tre canti all’antica, Pioggia, Nebbie

Riccardo Zandonai: Paolo datemi pace (Francesca da Rimini)

Anonyme: Lu Cardillo

Stefano Donaudy: O del mio amato ben

Henry Mancini: Moon River

Pietro Mascagni: Son pochi fiori (L'amico Fritz)

 

Anna Caterina Antonacci mezzo-soprano

Donald Sulzen piano

 

Retrouver Anna Caterina Antonacci demeure un de ces plaisirs rares que peine à nous offrir un monde lyrique aujourd’hui en manque de vraies personnalités artistiques ; on demeure d’ailleurs stupéfait que l’Opéra de Paris semble vouloir se passer d’elle au même moment où il assemble bien des affiches pour le moins pâlichonnes. La retrouver dans le double cadre d’un récital pour piano et à l’Opéra Comique assure a minima d’un espace approprié à sa naturelle subtilité, à ses nuances musicales et verbales si riches. Elle se présente fidèle à elle-même, belle et humble, artiste jusqu’au bout des ongles, y compris pour la plus modeste des mélodies présentées. Modeste est d’ailleurs bien le mot pour une bonne part d’un programme « Belle Epoque » qui a certes le mérite de l’originalité dans sa rareté, mais qui présente aussi quelques limites quant à son intrinsèque intérêt artistique (la seconde partie italienne surtout, qui laisse le regret de ces lieder de Richard Strauss, proposés dans d’autres salles lors de sa tournée, et troqués à l’Opéra Comique contre de bien pâles Tosti). La première partie consacrée à la mélodie française assure ainsi en grande partie l’intérêt de la soirée. Et souligne à nouveau avec évidence les affinités d’Anna Caterina Antonacci avec la langue française : la juste couleur, la juste émotion, la juste nuance encore, données à chaque mot, à chaque syllabe. Les poèmes choisis soulignent tout autant à l’envi la sensibilité à fleur de peau mais jamais extérieure de l’artiste, et mieux encore peut-être, sa féminité élégante et émouvante. Le Green de Fauré ou bien La Fumée de Hahn captivent ainsi dès le premier instant ; les Tyndaris et Phyllis du second enivrent par leur capiteuse sensualité. Conçue comme un crescendo émotionnel, cette première partie s’achève de manière saisissante par une mélodie de Bachelet restituée par Antonacci avec une rare puissance expressive et vocale. A l'entracte, le bonheur est complet.

 

Les mélodies de Tosti, Cimara, Toscanini ou Tirindelli n'ont guère soulevé mon enthousiasme. Quelles que soient la douceur ou l’éloquence qu’y verse une Antonacci toujours sincère, musicienne jusqu’au bout des ongles. Quant au Tosti londonien, on avouera ne goûter cette musique que les jours d’énergie trop débordante ; et de préférence stentorisée la main sur le cœur par quelques ténors italiens parmi mes préférés. L’exercice de style néoclassique de Respighi, s’il se veut plus savant ou ambitieux, ne m’aura guère plus intéressé, et même semblé bien indigeste. L’ultime numéro du programme initial, aria extraite de Francesca da Rimini, ranime par contre immédiatement l’intérêt, et rappelle quelle tragédienne et musicienne immense sait être la Antonacci confrontée à une musique digne de son talent. Cette Francesca conjugue l’art de la nuance avec des effleurements d’une sensualité proprement enivrante. Le Son pocchi fiori de Mascagni, donné en bis, séduit tout autant, dans un registre très différent, par le naturel de l’interprétation, par la douceur et le rayonnement qui s’en dégagent, par la beauté irrésistible de son lyrisme fluide et élégant. Je garderai aussi longtemps en souvenir ce Moon River à fleur de lèvres, d’une exquise douceur, si chaleureux et pudique à la fois – ineffable moment d’émotion. Soirée au programme inégal dans sa matière, certes, mais qui offre la présence toujours fascinante d’une artiste inestimable et tant aimée - saluée d’ailleurs par une longue standing ovation et de chaleureuses ovations. Nous retrouverons l’artiste à la rentrée en Desdemona rossinienne au Théâtre des Champs-Elysées, de retour à sa tessiture originelle de mezzo-soprano. En espérant la revoir prochainement dans des rôles plus substantiels. Et en se demandant, encore et toujours, pourquoi Paris se refuse à ses Armide ou Alceste que l’on devine aisément superlatives.

 

 

Publié dans Saison 2009-2010

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