Grace Bumbry, Early recordings (DG)

Publié le par Friedmund


Pour rester encore un moment avec la belle Grace Bumbry, je rappelle que DG a publié récemment un coffret de trois CD à prix économiques dédié à ses enregistrements de jeunesse, tous captés entre 1957 et 1965. Le coffret répartit également airs d’opéras et lieder.

 

Pour l’opéra, on retrouve ici ses enregistrements haendéliens de la fin des années 50. La voix est belle, l’interprétation musicienne en diable, mais il manque quelque chose à ces prises, sans doute un timbre plus profond et adapté à ces pièces. Le récital d’airs français de 1962 est beaucoup plus convaincant. Bumbry est sans doute la Carmen la plus proche de mon idéal pour le rôle: lumineuse et sensuelle, féminine et fière, toujours musicalement de grande classe, personne n’a à mon sens mieux approcher la quadrature du cercle d’un rôle difficile et piégeur. Sa Dalila déploie les mêmes qualités de sensualité délicate et chaude, racée mais élégante, alors que sa Sapho impose la déclamation intense d’une tragédienne hors pair. Le récital verdien de 1965 est splendide : Ulrica et Azucena véhémente, Aïda fiévreuse, Lady Macbeth irrésistible de beauté et hautaine, la démonstration est confondante d’intelligence et de vérité dramatique… et peu flatteuse en comparaison pour les Cossoto voire Simionato contemporaines.  Eboli est idéale de sensualité, de clarté, de facilité… mais cela nous le savons déjà : y a-t-il eu dans l’histoire Eboli plus crédible, jeune et belle ?  Le « Tu che le vanita » d’Elisabeth est convaincant, mais moins définitif, question de personnalité vocale et dramatique. Pour conclure la partie consacrée à l’opéra, DG inclut un extrait du premier acte du Tannhäuser de Bayreuth 1962, juste pour rappeler que comme pour Eboli, Bumbry n’a jamais eu ni avant ni après la moindre rivale dans un rôle qu’elle a marqué de manière presque définitive.

Tout cela est déjà en soi fort précieux mais n’est rien par rapport à ce que réserve la seconde moitié du coffret : des lieder sublimes. Le hiératisme serein du Fahrt zum Hades, l’intensité conférée à Die junge Nonne, l’attention au moindre mot de Rastlose liebe ou de Die Forelle, le geste ample de Auflösung, tout serait à détailler dans ses somptueux Schubert ; les premières phrases, timides et sur la pointe des pieds, du Doppelgänger m’ont longtemps fasciné. Mieux encore que les Schubert, les Brahms sont affolants, à commencer par les Zigeunerlieder, colorés, incisifs, variés et passionnant sans cesse ; très impressionnante également la noblesse majestueuse et altière de Alte liebe, Il me faudrait encore parler des trois Mörike de Wolf, somptueux de naturel, sans aucun des maniérismes pénibles de Schwarzkopf, ou bien des Strauss où l’ampleur de la voix fait des merveilles. Quel que soit le compositeur, la féminité lumineuse et sensuelle, la noblesse et la dignité du ton, la langue admirable, tout fait de Grace Bumbry une chanteuse de lieder de premier plan, et surtout très personnelle, plus majestueuse là où les allemandes sont souvent plus tendres. Pour parfaire ces plages, l’accompagnateur de Bumbry est, à une poignée de Brahms près, rien moins que Erik Werba, spécialiste s’il en est de ce répertoire. Le coffret inclut également El amor brujo de Falla, enflammé et vigoureusement rythmé par Maazel et Bumbry : superbe !

 

La discographie de Bumbry n’est pas pléthorique : Eboli et Chimène en studio, une Norma à Bari et une Santuzza à Buenos Aires, quelques Amneris et Carmen, et bien sûr Venus à Bayreuth… Raison de plus pour se jeter sur ce beau coffret vendu à prix économique !

 

 

Publié dans Disques et livres

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