La Bohème, Bastille, 18/10/2005

Publié le par Friedmund

 

Ce qu'il y a de formidable avec la Bohème, c'est que l'on a beau se dire que c'est la énième fois qu'on la voit, dès le lever du rideau ça marche. Et je pourrais dire la même chose de la production de Jonathan Miller - donnée ce soir dans sa 72ème représentation à l'ONP: cela marche encore, et superbement. Cela marche d'autant mieux que l'équipe de chanteurs est parfaitement investie dramatiquement. Sans être exceptionnels vocalement Frank Ferrari est un Marcelo charismatique et très présent, Alexander Vinogradov un Colline étonnamment jeune, et José Fardilha un bon Schaunard. Elena Semenova semble diviser: j'ai trouvé la voix très agréable, particulièrement expressive, et l'actrice très crédible. Angela Marambia a une voix d'une étoffe un peu épaisse et sombre pour Mimi, et les deux premiers actes la voient chauffer sa voix qui déploie au troisième acte une vraie intensité émotionnelle lors d'un Donde lieta usci très applaudi. Magnifiquement soutenue par le chef, Marambia offre enuite un quatrième acte d'une belle richesse musicale sans rien céder en humanité chaleureuse et émouvante.

Mais si cette soirée était d'une homogénéité notable, que ne laissait pas présumer a priori pourtant la distribution sur le papier, elle était avant tout pour moi l'occasion d'aller voir Rolando Villazon en scène, après son délirant récital au TCE en mars la saison dernière. La voix est superbe, l'émission fière et magnifiquement timbrée venant compenser un volume limité. Le chanteur, lui, est simplement divin, innondant la soirée de nuances superbes, du piano magnifique de la stagione dei fiori à la série de diminuendi ouvrant che gelida manina... le plus beau de tous étant le fabuleux diminuendo sur carezze au IIIème acte; comme tous les phrasés sont d'une tenue magnifique, et le legato parfois enivrant, j'ai ressenti un vrai parfum d'âge d'or! L'acteur est perpétuellement imaginatif et mobile, chien fou et drôle au I, avant d'atteindre à une sobriété et un naturel déchirant quand vient l'épreuve finale du IV. La voix suit cette composition dramatique de façon étonnante, pleine d'humour et de vie au I, pour finir par se dépouiller dans une sobriété d'un naturel désarmant lors du dernier duo avec Mimi, arrachant les larmes bien avant même que ne retentissent les derniers accords. Devant tant de beauté de la voix, tant de raffinement du chant et tant de vérité scénique, à plus d'un moment j'ai eu le sentiment d'assister à un véritable miracle comme j'en ai peu entendu, surtout pour ce genre d'emplois. Rolando Villazon est déjà un très grand, puissent les vents toujours lui être favorables! Chapeau bas, l'artiste!

La direction de Daniel Oren semble avoir divisé : je l'ai pour ma part beaucoup appréciée. Par une lecture très claire et aérée, sans pathos ni effets inutiles, Oren sait camper de magnifiques atmosphères, et en vrai chef d'opéra créer des dialogues particuliers avec les chanteurs souvent saisissants: son soutien de Marembia au III et au IV était aussi beau à entendre qu'à voir, dans le soin qu'il avait de lui indiquer ci et là intonations, entrées, nuances...Sous sa direction, la musique de Puccini coule de source, avec élégance et simplicité. Standing ovation de l'orchestre au complet pour son chef, qui les a fait applaudir, pupitres par pupitres comme lors d'un concert symphonique. Voila  un chef que
 j'espère que l'on réentendra bientôt.

 

Publié dans Saison 2005-2006

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