Thésée, Champs-Elysées, 29/02/2008

Publié le par Friedmund


Qu’une œuvre de Quinault et Lully nous en dise plus sur les mœurs de Versailles que sur celles de quelques mythiques hellènes ne souffre a priori que peu de discussion. Que le monarque dudit château y soit flatté avec toute la lumière qui lui sied tient tout autant de l’évidence peu recherchée. Jean-Louis Martinoty a du juger pourtant hautement nécessaire d’en avertir avec solennité et sans finesse le spectateur possiblement égaré dans la tragédie lyrique ; et d’en faire l’unique clé finaude de sa mise en scène. Un opéra de Lully transposé au temps de Versailles et du quatorzième, il fallait y penser tout de même ! Naturellement cette idée hautement originale permet de décliner toute une imagerie subtile et innovante incluant costumes d’époque, galerie des glaces, parc du château, portrait du roi, et bien sûr perruques et tout le monarchique tralala. Ajoutons à cela quelques kaléidoscopiques projections de l’incontournable et bien connue figure versaillaise Jérôme Bosch pour simuler magies et sortilèges, deux ou trois pas de danses rigolos, une flopée de morts vivants fluorescents au déhanchement subtil, quelques miroirs et carrelages luisants, de l’animation scénique à défaut de direction d’acteurs, une louche de vidéo, et le tour est joué. Pour ce qui est des personnages, de leurs déchirements individuels, de leurs tensions relationnelles, ou bien encore de leurs drames intimes, on repassera une fois prochaine. Reconnaissons toutefois au metteur en scène de satisfaire le public dans ses attentes avec soin comme en témoigne l’enthousiasme de la salle. Et goûtons l’ironie de constater que ce spectacle en dit sans doute bien aussi long sur le Paris de notre temps que Thésée sur le Versailles de jadis. Du décoratif convenu et du divertissement facile tissés autour de lieux communs... quelle misère intellectuelle et esthétique tout de même !

Si la scène ennuie, agace, voire même perturbe par sa surcharge visuelle, ce que l’on en entend soutient pourtant joliment l’intérêt (encore faut-il toutefois attendre le second acte, le prologue et le premier acte semblant avoir peu inspiré le compositeur et son librettiste). La Médée d’Anne Sofie von Otter est irrégulière. La voix manque de chair, d’éclat surtout dès lors qu’elle est confrontée à la colère, et l’expression verbale et musicale apparaît parfois soulignée à l’excès, voire artificielle. Pourtant, la présence de l’artiste est indéniable, le personnage vit, et, lorsque que la femme point sous la sorcière, Anne Sofie von Otter sait trouver des accents et une beauté de chant vraiment émouvants. Cette Médée sombre et mûre contraste idéalement avec la jeunesse et la beauté de sa rivale Aeglé, chantée avec clarté et élégance par une excellente Sophie Karthäuser. L’objet de leur rivalité, Thésée, trouve en Paul Agnew une haute-contre sensible et  stylée, très agréable à entendre. Jean-Philippe Lafont, par contre, n’a guère plus à offrir à Egée qu’une voix épaisse et usée. Endossant chacun plusieurs rôles, la délicieuse Jaël Azzaretti, l’élégant Cyril Auvity et la vibrante Salomé Haller complètent avec bonheur une distribution, que ne déparent pas non plus les appréciables Aurélia Legoy et Nathan Berg. Dans la fosse, Emmanuelle Haïm obtient de belles couleurs raffinées du Concert d’Astrée mais anime peu le drame. Tous ces musiciens servent collectivement avec bonheur le véritable prince de cette soirée, Jean-Baptiste Lully.

 

Publié dans Saison 2007-2008

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