Don Giovanni, Champs-Elysées, 17/06/2006
Et bien moi, j'ai beaucoup aimé cette soirée. La mise en scène d'Engel est toujours très vivante, débarrassée de tout le fatras associé usuellement à l'oeuvre, et d'une très grande cohérence dans ses choix et son esthétique. Je n'y ai pas vu de vulgarité, juste un parti pris bien exploité d'un Don Giovanni très enjoué et gai. Je trouve très amusant de voir ressurgir le principe de l'acte sexuel volontairement consommé par Anna, une des thèses classiques de l'interprétation du personnage, mais cette fois-ci illustrée dans un mode giocoso extrêmement rafraîchissant.
Pido a encore été hué ce soir, ce qui pour moi est incompréhensible. Sa direction est mordante, vive, très animée, et il joue à merveille des sonorités somptueuses du Concerto Köln. Lui ferait-on payer l'éviction de Jacobs par le TCE?
Beaucoup de satisfactions vocales, à commencer par la merveilleuse Zerlina de Bonitatibus (cf. photo): étoffe vocale splendide, style confondant, interprétation en tout point irréprochable. J'espère qu'on la réentendra bientôt, c'est une des plus belles choses que j'ai entendues à Paris cette saison. J'ai aussi beaucoup aimé l'Anna de Ciofi: bien sûr Or sai chi l'onore manque d'ampleur, mais le rondo est superbe, tout comme la pureté aérienne du Al desio di chi t'adoro. Un vrai cristal qui semble de surcroît avoir gagné en ampleur. Pendatschanka m'a semblé plus quelconque: il manque ici cette part de fragilité et de sensibilité qui sait rendre Elvira émouvante. Ce soir c'était bien terne, pour ne pas dire matronne.
Chez les hommes, Meli me laisse partagé: la voix est charnue, ronde, puissante, assez souple et franchement belle, ce qui est un plaisir certain. Les aigus en force et la ligne pas toujours soutenue, ainsi qu'un certain manque d'élégance autre que celle du timbre, beaucoup moins... Regazzo est bien chantant, impeccable, mais dans le fond pas très marquant. Gallo est assez médiocre dès que le chant prime et la voix n'est pas très belle, mais l'abattage du comédien en rital macho plus vrai que nature emporte l'adhésion malgré les limitations vocales.