Amour des trois oranges, Bastille, 23/12/2005

Publié le par Friedmund



J'en reviens très partagé… Sans doute parce que le chef et le metteur en scène, sur les épaules desquels tout repose dans cet opéra, partagent un même parti pris orchestral et scénique de finesse, d'élégance et de calme qui tue complètement l'oeuvre.


Bien sûr, on voit là de beaux décors, de magnifiques éclairages, de beaux costumes, de surprenant effets spéciaux, mais tout est bien plat, jamais déjanté comme l'oeuvre l'exige, et l'ironie grinçante est terriblement absente. La mobilité des danseurs ne fait jamais oublier que tout est organisé, très géométrique, complètement sous contrôle et bien sage. Glibert Deflo rate par ailleurs complètement le parti que l'on peut tirer de Tragiques et de Comiques bien discrets, sans parler des Ridicules qui se contentent de se balancer sur leurs chaises pendant l'action: l'originalité suprême et la vis comica acide si particulière des Trois Oranges tombent donc complètement à l'eau: on était venu pour boire des agrumes bruts, on nous sert un sirop douceâtre. Je trouve symptomatique par ailleurs que l'ONP fasse un appel du pied au plus jeune des publics pour ce monument de subversion acide et absurde: voila une oeuvre grinçante, intellectuellement très engagée et provocatrice, et on nous la transforme en douceur de Noël...

Sylvain Cambreling est au diapason de la mise en scène: son orchestre est bien léché, lisse et très poli, sans folie, sans grincement, sans exagération, dans des tempi très sages et des sonorités de bonbon. Je ne m'étonne plus que tant puissent considérer l'oeuvre est peu intéressante ou ennuyeuse en sortant de ces représentations: cette musique n'est pas faite pour cultiver ni la joliesse, ni l'élégance, mais la folie et le burlesque les plus débridés. Des Trois Oranges qui ne se lâchent pas en scène et dans la fosse, sont de toute façon condamnées à ne plus être qu'un joli objet insignifiant, un peu comme si on supprimait toutes les cabalettes des opéras italiens de la première moitié du 19ème siècle.

Charles Workmann domine un plateau très hétérogène qui va du bon (Alain Vernhes, Barry Banks) au moins bon (Hannah Ester Minutillo, que j'avais pourtant beaucoup aimée dans Cardillac...).

Espérons qu'un Jurovski ou un Gergiev viennent nous mettre le feu à la fosse lors d'une reprise, les Trois Oranges en valent vraiment la peine!

 

 

Publié dans Saison 2005-2006

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