"Brève histoire de la musique moderne", Paul Griffiths (Fayard)
La musique contemporaine reste difficilement abordable : non seulement elle est protéiforme à l’extrême, mais une de ses raisons d’être essentielle est de surcroît de brouiller les repères sonores les plus connus.
A la recherche de jalons structurés pour me guider dans mon exploration du vingtième siècle, j’ai eu le plaisir de trouver cette Brève histoire de la musique moderne qui correspondait parfaitement à mes attentes. Bref (150 pages environ), cet ouvrage dresse l’inventaire des voies empruntées par la musique classique lors du dernier siècle, en explicitant chacune des grandes formes, leurs raisons d’être et les compositeurs et œuvres majeures se rattachant à chacune des grandes tendances écloses depuis le Prélude à l’après-midi d’un faune, point de départ de la rupture choisi par l’auteur. Après l’explication des principales causes de l’abandon du déclin du romantisme, l’auteur consacre un chapitre à chacune des grandes étapes de l’évolution de l’art de la composition : dodécaphonisme, sérialisme intégral, électronique, musique aléatoire, influences cosmopolites, chaque chapitre est un guide d’écoute en soi, permettant d’appréhender de façon claire l’esprit et le travail de Webern, Messiaen, Boulez, Stockhausen, Ives, Cage ou Varèse… et de certains dont j’ignorais encore le nom, indication supplémentaire qu’il urge pour moi de m’enfoncer plus profondément à la découverte de ce vaste continent. A signaler également pour le public d’opéra, un chapitre tout particulier consacré aux logiques du théâtre musical contemporain (« Théâtre et politique »).
Même pour qui ne marquerait qu’un intérêt plus mesuré à l’exploration de la musique contemporaine, par sa clarté, sa concision, sa pédagogie, cet ouvrage peut donner des clés culturelles à la compréhension de ce qu’est la musique contemporaine. Celle-ci reste grandement remisée dans des échoppes de spécialistes, et le simple sérialisme peut encore apparaître pour beaucoup de mélomanes comme une hérésie à l’encontre de la Muse : il urge donc que ces styles musicaux deviennent familiers au plus grand nombre.
Tel ouvrage, vulgarisateur dans son sens le plus noble, est donc salutaire et je lui souhaite de nombreux lecteurs, ne serait-ce que pour goûter la fascinante fertilité intellectuelle qui a guidé l’art de la composition depuis cent ans. Le livre relate la citation suivante de Pierre Boulez : « Tout musicien qui n’a pas ressenti – nous ne disons pas compris mais vraiment ressenti – la nécessité du langage dodécaphonique est inutile ». Sans aller jusqu’aux extrêmes de formulation toujours un brin provocateur du montbrisonnais, je suis assez convaincu qu’un mélomane qui se refuse à s’immerger dans les mystères de l’atonalité laisse de côté un foisonnement de sons, de ressentis artistiques, ou encore d’émotions pures, d’une richesse insensée.