Die Walküre, Châtelet, 05/11/2005

Publié le par Friedmund

 

 

Une surprise de taille pour cette représentation du 5 novembre: je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans le courant de la semaine, mais la prestation orchestrale de ce soir m'a semblé plusieurs crans supérieure à celle de dimanche dernier et des deux Rheingold entendus précédemment. Parmi les améliorations notables, un son plus rond, un bien meilleur équilibre des pupitres, moins de décalages, et des cordes et bois très satisfaisants. Restent quelques couacs aux cuivres, mais rien de bien dérangeant, ne serait celui, cauchemardesque, et qui a d'ailleurs déclenché un murmure audible de la salle, lors de l'interlude entre les deuxième et troisième scènes du premier acte. La direction de Christoph Eschenbach marque toujours quelques brutalités, mais était ce soir d'une certaine beauté, particulièrement lors des deux premières scènes, très réussies. Restent des tempi étirés parfois à ne plus en finir, qui diluent le drame en le dilatant, jusqu'à couper les ailes à  la musique... et aux chanteurs: la quatrième scène du II, interminable et plate alors que la musique y est pourtant bouleversante, en était une triste illustration. Mais, vraiment, une belle prestation comparée aux précédentes soirées.

Pris dans de tels tempi, et usés sans doute des représentations précédentes, les chanteurs m'ont tous semblé très fatigués par rapport à dimanche dernier. Mihoko Fujimura, pour sa huitième Fricka en moins de trois semaines, a perdu nettement de sa fraîcheur mais reste superbe, et superbement accueillie par le public qui lui a décerné encore une fois une belle ovation. Peter Seiffert marque aussi le coup: le vibrato s'est accentué et le registre grave m'a semblé plus malaisé que lors de la précédente représentation. Idem pour Petra-Maria Schnitzer, moins libre de voix que dimanche dernier, mais toujours aussi engagée et frémissante. Je n'ai pas ressenti ce soir chez nos Wälsungen le même feu qui avait tant enflammé la salle dimanche dernier; les applaudissements du public étaient d'ailleurs bien sages à l'issue du premier acte ce soir, comparés à l'ovation dix minutes durant, toutes lumières éclairées, de la matinée précédente. Stephen Milling reste impeccable en Hunding, fabuleusement insinuant par de magnifiques piani tranchants avec les moyens énormes de cette superbe basse que j'espère réentendre très bientôt à Paris. Si Jukka Raisilainen n'a jamais convaincu lors des soirées précédentes, il s'effondre purement et simplement ce soir: après une entrée douloureuse, la voix, exsangue aux deux extrêmes toute la soirée durant, semble complètement s'échapper dès son entrée au troisième acte, pour finir sur des adieux médiocrissimes, aigu craqué en prime; je ne peux que difficilement imaginer que le Châtelet le laisse reparaître en janvier dans un rôle au combien au delà de ses qualités et possibilités.

Olga Sergeyeva revêtait ce soir les habits de Brunnhilde, à  la suite de Linda Watson. La voix est solide, sombre et chaude, et la chanteuse présente une belle sensibilité et musicalité. L'aigu est cependant typique des sopranos dramatiques slaves, accusant un vibrato accentué parfois assez pénible. La voix manque de netteté et de fraicheur, et l'élocution est très confuse... sans parler de l'allemand des plus exotiques. Je l'imagine superbe en Renata prokofievienne, mais ce n'est pas tout à fait ce que j'attends d'une Brunnhilde. Accueillie par une ovation au rideau final, j'avoue préférer quand même Linda Watson, plus claire et précise dans son émission, son chant et son texte.

Au final, une bien meilleure soirée à l'orchestre que la matinée de dimanche dernier, mais moins satisfaisante et enthousiasmante vocalement. La conjonction de la mise en scène, des tempi d'Eschenbach, de l'effondrement de Raisilainen et de l'allemand de Sergeyeva m'a même plongé dans un certain ennui - un comble! - lors de la seconde moitié du troisième acte.

Pour revenir brièvement sur la mise en scène de Robert Wilson, je trouve, en seconde vision, que cette Walküre est complètement dépouillée de ses émotions les plus évidentes et immédiates. De belles images, de beaux éclairages, mais bien peu de frissons. Passée la rencontre, superbe de gestes, de regards, de lumières des deux premières scènes, tout tombe à plat. Où est le désir embrasé des jumeaux à la fin du I? L'angoisse et l'épouvante de Sieglinde à la fin du II? L'affolement du combat de Siegmund et Hunding? La compassion de Brunnhilde envers Wotan, Siegmund et Sieglinde? L'hyperémotivité frénétique de Sieglinde à la révélation de la naissance à venir de Siegfried? Le déchirement bouleversé et infini de tendresse de Wotan lors des adieux? Bob Wilson a quand même une drôle de façon de représenter les émotions humaines... Passe encore dans Rheingold, légendaire et intemporel, mais dans Walküre, émotionnellement si riche et d'une humanité si sensible, c'est décidément trop court.

 

Publié dans Le Ring de B. Wilson

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