Tristan und Isolde, Bastille, 24/04/2005

Publié le par Friedmund

Encore un bien beau Tristan aujourd'hui...

J'ai trouvé que Meier a fait un premier acte et un début de second acte absolument anthologique (et particulièrement tout le récit de Tantris): tout lui a réussi, le ton, les gestes, un aigu fulgurant... qui étrangement a commencé à devenir beaucoup plus fragile le temps du duo et de la Liebestod, ce qui n'était pas le cas lors de la première (mais là, elle ne nous avait pas fait pareil premier acte). Mais si les années passent sur la voix de Meier, elle reste la plus grande chanteuse wagnérienne des 20 dernières années, cela s'entend, et une actrice extraordinaire, cela se voit.

J'ai trouvé Heppner plus en forme encore que pour la première, solide de bout en bout, fascinant de puissance au I et de lyrisme et de poésie au II. Son III reste toujours problématique: incroyablement chanté de bout en bout (quoique là aussi une pointe de fatigue à la fin), mais peu brûlant pour cette agonie assez froide, pour laquelle il faut un tragédien de la dimension des Vinay, Windgassen ou Vickers. Cela dit, c'est bel et bien le seul Tristan depuis le dernier nommé... et que la voix est belle!

Selig et Naef sont toujours aussi excellents, même si en rien 'mythiques' comme peuvent l'être Meier et Heppner, et le marin/pâtre de Toby Spence un pur régal. Salonen, toujours surprenant, d'une belle qualité, mais équilibrant vraiment mal le volume plateau/orchestre: on sent qu'il n'est pas vraiment un chef d'opéra... mais c'est aussi là tout son apport dans cette lecture 'objective', sans pathos mais aux riches couleurs.

Ces réserves émises par rapport à un idéal n'empêchent en rien de penser que plus beau Tristan und Isolde musicalement est difficilement envisageable aujourd'hui, et pour tout dire ces représentations ont quand même un parfum marqué d'un "avant 1970" !

En seconde vision, la mise en scène apparat plus clairement, les images étant moins immédiatement hypnotiques et objet d'attention excessive. Ceux qui n'ont vu que 'mise en espace' ou 'version de concert' étaient peut-être obnubilés par les images (je me rends compte ce soir à quel point je m'étais fait prendre au piège la première fois): les regards, les gestes, les attitudes des protagonistes illuminent tout le premier acte et la fin du second acte, loin des stéréotypes habituels. A chaque moment, chaque personnage adopte une attitude marquée commentaire de l'action. Une des plus émouvantes pour moi étant le regard perdu d'Isolde à l'opposé de Marke et Tristan au II, comme pour les laisser ensemble discuter de ce dont elle n'est qu'objet et non pas sujet: leur propre relation.

Vraiment, un paradis musical wagnérien retrouvé, une production d'une beauté fulgurante, un spectacle de rêve qui me retourne 3 heures encore après. Madame Meier, Messieurs Mortier, Sellars, Viola, Salonen, Heppner... encore merci!

 

Publié dans Saison 2004-2005

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