Cardillac, Bastille, 24/09/2005

Publié le par Friedmund

 

De retour de la création de Cardillac ce samedi 24 à l'Opera de Paris.

Cardillac était une totale découverte pour moi ce soir. Ecrite en 1926 pour un orchestre de musique de chambre élargi (une petite vingtaine d'instrumentistes), l'oeuvre dispose d'une dynamique rythmique fertile, évoluant entre gigantesque quatuor et passacaille, dans un flot musical étonnant, toujours très coloré, varié dans les détails mais assez constant dans le rendu, générant comme un effet hypnoptique. L'écriture vocale est très chantante, assez ardue parfois, toujours intéressante. Bref un bel opéra, dégageant une impression de masse et d'homogénéité saisissante, un peu comme une plaque d'or finement incrustée de pierres précieuses... parfaitement adaptée à cette histoire d'orfèvre ne sachant renoncer à ses oeuvres.

La nouvelle d'Hoffmann est transposé à la date de création de l'opéra. L'aspect fantasmagorique qui peut naître d'une ambiance moyennâgeuse fantastique est donc entièrement absente de la mise en scène. Le hall de palace initial et final me semble complètement gratuit et dramatiquement débilitant (on se croirait dans une opérette, surtout lors de la première scène; sensation renforcée par la multitude de décorations dont est affublé l'officier de police), mais certains décors (la chambre, les toits de Paris) possèdent une dimension très BD colorée façon Marvel, non dénuée de merveilleux suggestif et de fascination visuelle. Les décors sont par ailleurs, sans juger de leur pertinence sur le fond, tout simplement somptueux. Le metteur en scène, André Engel, a été bien acceuilli au rideau final pour une production somme toute satisfaisante, même si tout le potentiel scénique, certain, de Cardillac n'a pas été complètement exploité, fantastique et atmosphère inquiétante en premier lieu.

Musicalement, la représentation frôle par contre la perfection. Kent Nagano rend cette musique avec un naturel incroyable, sans emphase, toujours avec chaleur et rondeur, et un luxe de sonorités. Par ailleurs, je ne cesse de m'étonner et de me réjouir du niveau atteint par les pupitres de l'Opéra ces derniers mois: grâce en soit rendue à l'ensemble des membres de l'orchestre et aux chefs qui se succèdent à son estrade. Nagano et l'orchestre ont d'ailleurs receuilli les applaudissements les plus nourris et chaleureux de la soirée au rideau final. Vocalement, le plateau est d'une remarquable homogénéité et excellence. Alan Held dispense sa belle voix avec classe, style et mordant en Cardillac. Angela Denoke s'impose  avec superbe et splendeur dans le rôle de la fille de l'orfèvre: voix puissante et belle, finement conduite, à la sensibilité certaine, la soprano irradie en sus d'un vrai charisme scénique. Christopher Ventris, puissant mais lyrique, campe un Officier vocalement superbe, très présent dramatiquement, délectable. Hannah Esther Minutillo incarne une Dame vocalement et théâtralement superlative, alors que Charles Workmann se révèle simplement parfait en Cavalier virtuose et élégantissime. Roland Bracht en Vendeur d'or et Stephen Gadd en Officier de police contribuent à l'excellence vocale de la soirée.

En résumé un superbe spectacle, présentant une mise en scène discutable dramatiquement mais somptueuse dans sa restitution visuelle, un orchestre et un chef en état de grâce, une distribution splendide, et surtout une entrée notable et passionnante au répertoire de l'Opéra. 

 

 

 

Publié dans Saison 2005-2006

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