Piau, Mingardo et Alessandrini, Champs-Elysées, 20/01/2009

Publié le par Friedmund

 

 

Georg Friedrich Haendel :

 

"Se teco vive il cor" (Radamisto, récitatif et duo Radamisto / Zenobia)

"Ma chi punir desio ?" (Flavio, récitatif et air dEmilia)

Poro, Ouverture

"Caro, dolce, amico amplesso" (Poro, duo Cleofide / Poro)

"Più di una tigre altero" (Tamerlano, récitatif et aria dAndronico)

"Ah, non son io che parlo" (Ezio, récitatif et aria de Fulvia)

"Scherzano sul tuo volto" (Rinaldo, récitatif et duo Almirena / Rinaldo)

"Finchè prendi ancora il sangue" (Orlando, récitatif et duo Angelica / Orlando)

"No, più soffrir non voglio" (Alessandro, récitatif et aria de Lisaura)

"Da un breve riposo" (Alessandro, récitatif et aria d'Alessandro)

Alessandro, Ouverture

"Vivo in te" (Tamerlano, duo Asteria / Andronico)

"Pena tiranna" (Amadigi, récitatif et aria de Dardano)

"A' teneri affetti" (Ottone, récitatif et duo Teofane / Ottone)

 

"Sorge il di" (Aci, Galatea e Poliferno, duo)

"Caro, dolce, amico amplesso" (Poro, duo Cleofide / Poro)

 

 

Sandrine Piau, soprano

Sara Mingardo, contralto
Concerto Italiano
Rinaldo Alessandrini, direction

 

 

La saison parisienne abonde en récitals lyriques et marie à l’occasion de plus en plus souvent deux chanteurs pour des soirées où l’art tend à se dissoudre dans les paillettes publicitaires d’opérations plus spectaculaires que réellement roboratives. Orchestres de seconde zone, ouvertures indigentes en intermezzos, répertoires rebattus d’une sombre banalité forment le pain quotidien de ces exercices aussi frustrant dans leurs joies simulées qu’un mauvais réveillon où tout le monde s’efforce, incrédule, de masquer le décalage entre le plaisir escompté et la morne réalité grisaillante du moment. Rien de tout ça ici, évidemment. La vraie rencontre de Sandrine Piau et Sara Mingardo, déjà sous l’égide de Rinaldo Alessandrini, a eu lieu à l’occasion d’une soirée à Gaveau le 20 avril 2007 d’une indicible beauté consacrée à l’exécution de quelques cantates italiennes. L’entente des protagonistes, et particulièrement des deux chanteuses, fut parfaite, et le désir leur vint de se renconter à nouveau en récital. Pour notre plus grand bonheur. Rencontre de musiciens accomplis, bonheur de jouer ensemble, qualité et cohérence d’un programme choisi avec soin pour échapper aux sentiers trop souvent battus du récital haendelien, ce nouveau concert renouvelle le bonheur absolu de la soirée précédente d’avril 2007. Tout juste peut-être l’intimité de Gaveau manque dans les vastes proportions du Théâtre des Champs-Elysées. En contrepartie, en compensation peut-être, le Concerto Italiano est convoqué au grand complet, là où un théorbe, un violoncelle et un clavecin suffirent il y a deux ans au concert de Gaveau. La probité musicale, le scupule artistique, la joie évidente des protagonistes et du public concourrent à donner à cette soirée le parfum rare des grands moments de musique que seule habituellement la musique de chambre trouve au concert. Je crois n’avoir d’ailleurs pas vécu une telle évidence du bonheur de la musique depuis les sommets du concert de l’Alban Berg Quartett dans cette même salle la saison dernière.

 

Si la complicité des artistes réunis confère tout son prix à ce merveilleux concert, la qualité intrinsèque de chacun d’entre eux est tout sauf secondaire. Leurs interventions respectives et successives dans les trois extraits d’Alessandro l’illustrent de manière idéale. Ainsi “No piu soffrir non voglio” démontre ce talent propre à Sandrine Piau de marier un chant parfait et virtuose avec une expressivité étonnante de tous les moments. En somme, la stricte performance vocale n’est jamais pour elle l’ennemie de l’émotion ou du théâtre, et vice et versa. Combien d’artistes lyriques peuvent à ce jour se targuer d’un tel talent, mieux d’un tel pouvoir sur l’auditeur ? “Da un breve riposo” prouve pour sa part la classe musicale évidente de Sara Mingardo, fascinante d’un timbre somptueux bien sûr, mais aussi interprète probe et racée, idéale de cette élégante et noble virilité qui sied tant aux rôles que Haendel écrivit pour ses castrats. Enfin, Rinaldo Alessandrini apporte à l’ouverture de ce même Alessandro tout ce que son style propre et les couleurs de son Concerto Italiano prodiguent toujours de musicalité innée, de lyrisme chaleureux, de profusion de couleurs et de vitalité vitaminée au répertoire baroque. Là où tant de baroqueux se réfugient dans une sécheresse convenue aride et terne, Alessandrini convoque un Haendel irréstiblement chantant et enchanteur, coloré et débordant de relief et de présence dramatique et musicale. Le lamento de Dardano, sombre et appuyé, mais toujours lyrique et allant, pleure ainsi inexorable à l’orchestre alors que le Concerto Italiano enveloppe de toute sa chaleur les couleurs sombres et magnétiques d’une fascinante Sara Mingardo. La complicité des trois artistes est aussi merveilleuse conjuguaison de timbres idéalement assortis, rencontre des sombres profondeurs sensuelles de Mingardo et du rayonnement argenté de Piau dans l'écrin d’un Concerto Italiano à l’irrésitible palette sonore. Les duos se parent ainsi de toutes les grâces de la muse, à l’image de l’idyllique extrait de Aci Galatea e Poliferno joué en bis.   

 

Naïve publie dans quelques jours le disque studio image de ce concert (programme identique quoique dans le désordre). Les spectateurs du Théâtre des Champs-Elysées eurent l’occasion de l’acquérir à l’entracte et à l’issue du concert en avant-première, et nombreux, semble t-il, furent ceux qui n’hésitèrent pas. Si un disque n’équivaut jamais tout à fait à la magie d’un concert, je ne saurais trop conseiller son acquisition à ceux qui ne firent pas le déplacement. Derrière une couverture visuellement peu alléchante, voire irritante par son marketing kitsch et douteux, se cache un objet sonore somptueux.  

 

 

Publié dans Saison 2008-2009

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