Rolando Villazon, Champs-Elysées, 28/01/2008

Publié le par Friedmund


 

Ponchielli - La Gioconda, prélude

Ponchielli - La Gioconda, « Cielo e mar »

Cilea - Adrianna Lecouvreur, intermezzo

Cilea - Adrianna Lecouvreur, « La dolcissima effigie »

Cilea - Adrianna Lecouvreur « L’anima ho stanca »

Leoncavallo - I Pagliacci, intermezzo

Ponchielli - Il figliuol prodigo, « Il padre »

 

Verdi - Nabucco, ouverture

Verdi - Rigoletto, « Questo quella »

Verdi - Simone Boccanegra, « O inferno »

Verdi - Rigoletto, prélude

Verdi - Luisa Miller, « O fede negar potessi »

Gomes - Fiosca, « Intenditi con Dio »

 

Boito - Mefistofele, « Giunto sul passo estremo »

Di Capua - O sole mio

Lara - Granada

 

Orchestre Philarmonique de Prague,

Daniele Callegari, direction

Rolando Villazon, ténor

 

 

Après plusieurs mois d’absence de Rolando Villazon des scènes lyriques, les rumeurs vont bon train sur son exact état vocal. Programmé quelques semaines à peine après la rentrée de notre ténor, ce récital vient à point nommé pour se faire une idée concrète de la situation et dissiper les fantasmes, toujours morbides dans leur sadique jubilation, des mauvais augures de tout poil. L’aria d’Enzo Grimaldi commence plutôt mal : le ténor semble en difficulté lors des premières mesures pour soutenir la ligne et le passage paraît malaisé. Passés ces quelques instants incertains, la voix retrouve tout son naturel et présente même une jolie fluidité de la ligne et des aigus plus libérés que naguère. La première aria de Cilea confirme cette bonne impression. Les coups de glotte d'hier semblent s’estomper au profit d’une musicalité plus simple et moins démonstrative. L’artiste lui-même cabotine d’ailleurs infiniment moins que précédemment, comme si la crise vocale avait tempéré l’enthousiasme débordant qu’on lui connaît. Le casse-voix qu’est « L’anima ho stanca » surexpose par contre bien trop les moyens de notre ténor qui s’épanche en compensation dans les pires effets véristes. L’aria du rare Figliuol prodigo de Ponchielli, bien menée et convaincue, termine sur une bonne note une première partie tout de même fort ardue pour un ténor tout juste convalescent.

 

La seconde partie commence, tout comme la première, par de nombreuses intonations assez incertaines et une barcarolle de Rigoletto qui voit notre ténor fort mal à l’aise et empêtré aussi bien dans sa ligne que dans la négociation de ses montées dans l'aigu. La scène de Gabriele Adorno qui suit est par contre très satisfaisante : l’intensité du récitatif est bien maîtrisée, l’aria à proprement parler soutenue de jolie façon, sans effet de manche ni excès. Le public jusqu’ici plutôt froid se réveille enfin alors que Rolando Villazon se libère progressivement. Luisa Miller le trouve enfin tel que lui-même, musical et beau de voix, osant même une reprise pianissimo fort réussie. Enfin, le dernier morceau du programme initial, tiré du Fiosca de Gomes, offre le meilleur moment de la soirée, ample, délié, fluide, d’un grand lyrisme surtout. Les bis se révèlent plus anecdotiques. « Giunto sul passo estremo » laisse Villazon se débattre contre un chat dans la gorge qui lui fait frôler l’incident en permanence ; s’il mène sa barque à bon port, on ne peut dire que le voyage soit plaisant ou de tout repos. Passons, cela arrive, quoique je doute que ce soit là pièce à même de trouver notre ténor au mieux. Pour finir, O sole mio, très extérieur et peu charmeur, puis Granada, plus sobre, les deux sans grand éclat ni charisme toutefois.

 

Quelle conclusion tirer de cette rentrée ? Sans doute avant tout une ligne de chant débarrassée des passages en force permanents du Villazon première manière, assagissement certain que confirme la tenue en scène plus sobre de l’artiste. L’énergie et le charisme du ténor s’en ressentent par contre significativement, et cette soirée n’offrait plus tout à fait la flamme des incandescents récitals parisiens des précédentes saisons. Cet homme n’est pas fait pour être trop sage, et il n’est jamais bon de violer sa nature : ce soir, Villazon m’a semblé un rien éteint en comparaison de sa spontanéité habituelle, un rien triste même peut-être. Sans doute faut-il encore laisser un peu de temps à l’artiste pour retrouver pas à pas confiance en lui, puis apprendre à rayonner pleinement sans pour autant se consumer trop vite.  

 

Un dernier mot sur le Philarmonique de Prague, fin et jamais tapageur, très agréable à entendre, et dirigé avec la plus grande attention par Daniele Callegari. Arriver à soutenir l’intérêt dans le fort rebattu intermezzo de Pagliacci ou dans le médiocre prélude de Gioconda n’est pourtant pas un mince exploit. Egalement, ingénieuse idée que la programmation des courts prélude et intermezzo de Rigoletto et d’Adrianna Lecouvreur ! Le ténor peut ainsi reprendre son souffle sans que l'auditeur soit abruti d'un long pensum bien inutile. Le bonheur aurait été parfait s’il n’avait fallu subir les grossièretés tonitruantes de l’ouverture de Nabucco contre lesquelles il n’existe qu’un seul remède : l’abstinence stricte. Ne nous plaignons pas, nous avons au moins échappé à Thaïs.  

   


Villazonmania

 

 

Rolando Villazon précédemment sur ce blog:

- La Bohème à Bastille le 18/10/2005
- récital solo au TCE le 01/04/2006
- récital en duo avec Natalie Dessay au TCE le 30/04/2006
- critique de l'album de duos avec Anna Netrebko paru chez DG
- critique de son album d'airs de zarzuelas Gitano paru chez Virgin

Je regrette de ne pas avoir gardé de trace détaillée de son tout premier récital parisien en mars 2005. Soirée electrique d'un Villazon chauffé à blanc, accueillie par un public tout du long en délire. 

Publié dans Saison 2007-2008

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