Giacomo Lauri-Volpi, portrait

Publié le par Friedmund

 


Eléments biographiques

 

Giacomo Volpi naît le 11 décembre1892 à Lanuvio à Rome. Il étudie en parallèle le droit et le chant à Santa Cecilia. A l’issue de la guerre, il débute le 2 septembre 1919 à Viterbo dans Arturo des Puritani, sous le pseudonyme de Giacomo Rubini. Il chante ensuite Rigoletto, et retourne à Rome faire ses débuts dans Manon et Gianni Schicchi. Le Duc de Mantoue est alors son rôle fétiche et lui permet de triompher aussi bien sur la scène italienne qu’à Madrid et Buenos Aires. C’est ce même rôle qui lui permet de faire ses débuts à la Scala en janvier 1922 sous la direction de Toscanini. La même année, il fait ses débuts au Metropolitain Opera dans Cavalliera Rutiscana, abordé précédemment à Buenos Aires et Rio de Janeiro. Il chantera cent-trente-deux fois au Met lors des onze saisons suivantes, dans vingt-six opéras différents. Il se lance rapidement dans les rôles les plus lourds du répertoire : Radames à Chicago en 1923, Andrea Chenier au Met en 1925, Calaf à Buenos Aires en 1926, et enfin Manrico l’été suivant toujours à Buenos Aires. Lors de la saison 1929-1930, Giacomo Lauri-Volpi s’installe à Paris et chante, au Comique et à l’Opéra, Radames, le Duc, Cavaradossi, Werther, Don José, Des Grieux, et Rodolfo. Il débute à cette occasion dans le rôle d’Arnold de Guillaume Tell, qu’il chante également à la Scala, au San Carlo et à l’Opéra de Rome. Ses sympathies mussoliniennes affichées, il est un des ténors les plus symboliques du fascisme, limite ses apparitions à la scène italienne pendant les années guerre et le contraint à un exil espagnol à l’armistice. La guerre et ses choix politiques laisseront dans l’ombre sa prise de rôle majeure en Otello en 1939. Il reprend à la fin des années 40 une carrière italienne qui le voit croiser la jeune Callas et chanter encore à soixante ans passés au milieu des années 50 de recherchés Manrico et même le rôle de Raoul des Huguenots. Son succès et sa gloire demeurent inentamés. Il devient en ces années là également le professeur de Franco Corelli (1) qu’il aide lors de ses premières années de carrière. Lors du cinquantenaire de la mort de Verdi, Cetra le choisit pour graver intégralement Manrico et le Rodolfo de Luisa Miller. Il développe en parallèle une œuvre littéraire importante autour de la voix et du monde de l’opéra. Sa dernière apparition en public intervient au cours d’un gala au Liceu de Barcelone, où il chante en 1974 une ultime fois « Nessun dorma » ; quelques mois auparavant il effectue à plus de quatre-vingts ans ses dernières prises discographiques ! Il meurt à Valence en Espagne le 17 mars 1979.

 

L’Art du ténor

 

Lirico-spinto di grazia ou belcantiste émérite di forza ? L’art de Giacomo Lauri-Volpi transcende les catégories. Le choix de son premier nom de scène, Rubini, en dit long sur les affinités belcantistes d’un ténor formé à la meilleure école belcantiste à l’instar d’un Tito Schipa. Lorsque le ténor prend le virage au milieu des années 20 d’un répertoire de plus en plus lourd, il n’en perd pas pour autant les qualités d’émission acquises auparavant. Ses enregistrements des années 30 laissent entendre un ténor intelligent et styliste, soucieux à l’extrême d’une dynamique riche et variée, constamment mobile. Son monologue d’Otello de 1941 est une leçon pour tous les ténors qui lui ont succédé : aucun histrionisme verbal, mais une alternance de lyrisme souple aux diminuendi fréquents et d’émission fière et maîtrisée dans le registre aigu, carnassière. La musicalité belcantiste de cet Otello n’inhibe en rien la force théâtrale d’un caractère dessiné avec noblesse et élégance. La modernité du ton saisit également : l’élégance et la classe, le naturel découlant de la musique même, sont intemporels.  Autre exemple troublant, le duo du dernier acte de Forza del Destino enregistré avec Gino Becchi la même année : legato étourdissant, phrasé riche et majestueux, souci constant de la nuance, jusqu’à l’introduction de diminuendi saisissants pour une voix aussi claironnante et aisée. Car Lauri-Volpi, c’était aussi l’aisance vocale même, aux aigus faciles et percutants, projetés avec fierté et grâce. Les intégrales qui nous restent du ténor, toute datant de sa soixantaine, montrent l’ardeur et la facilité d’un contre-ré qui avait su défier le temps. Ainsi, plus que Giovanni Martinelli (2) encore, Giacomo Lauri-Volpi reste comme le plus beau lirico-spinto de l’histoire du chant au vingtième siècle, celui qui mieux que quiconque aura intégré la synthèse d’un style châtié et belcantiste avec l’évolution d’une écriture toujours plus dramatique et tendue. Giacomo Puccini, dit-on, l’avait pris comme modèle de son Calaf ; le ténor le créera d’ailleurs l’année même de sa création à Rio de Janeiro, Buenos Aires puis, aux côtés de Maria Jeritza et sous la direction de Tullio Serafin, à  New-York. Giacomo Lauri-Volpi est ainsi le digne héritier du grand Enrico Tamberlinck, créateur d’Alvaro et Otello rossinien le plus célèbre de son temps, modèle historique du ténor italien di forza, inégalable en son temps en Poliuto ou Jean de Leyde, tout en chantant à soixante ans passé les Puritains ou Faust! Franco Corelli et Carlo Bergonzi seront les héritiers les plus directs de Giacomo Lauri-Volpi, se partageant pour le premier l’aisance et pour le second le style de leur illustre et toujours inégalé prédécesseur. 

 

Discographie

 

Les dates des enregistrements référencés ci-dessous (tous reportés en CD) sont cruelles : il ne nous reste plus que des intégrales d’un Lauri-Volpi sexagénaire. Bien sûr, comme indiqué précédemment, l’âge est chez lui moins audible que pour d’autres du fait d’un suraigu glorieux resté intact tout au long de sa carrière, mais de ce fait il est peut-être plus traître encore à la mémoire de l’artiste. Car aucun de ces lives ne permet de goûter réellement la richesse des colorations et de la dynamique stylée du ténor. A qui voudrait se faire une idée toutefois, on ne saurait mieux recommander sans doute que la célèbre soirée du San Carlo de Naples en 1951 qui voit croiser le Manrico encore juvénile de ton et héroïque de Lauri-Volpi est ce qui reste peut-être comme la meilleure Leonora de la jeune de Maria Callas. J’ai pris connaissance en établissant cette discographie de la belle Bohème de la même année avec les jeunes Tebaldi et Gobbi : je suis déjà en chasse et ne manquerais pas de vous faire part de mes commentaires quand j’aurais mis la main dessus.

 

Pour découvrir Giacomo Lauri-Volpi je recommande donc plus volontiers les deux CD consacrés par Nimbus au ténor, également intéressants et superbement restaurés. Le premier volume permet d’entendre la classe de Lauri-Volpi et toute la diversité de son art : Raoul côtoie Calaf, Vasco de Gama, Faust, Arturo, Hoffmann, Pollione ou encore Werther. Le second conserve pour l’éternité les extraits studio nombreux de ses Otello et Alvaro de 1941 (airs et duos), et, mieux encore, sa célébrissime et immortelle scène du Nil avec Elisabeth Rethberg ; tout est ici référence absolue.

 

Donizetti : La Favorita  - Marghinotti, Paneraï, dir. Basile (Amsterdam 54, Ponto)

Meyerbeer : Gli Ugonotti –  Pastori, Taddei, Zaccaria, dir. Serafin (RAI 56, Living Stage)

Puccini : La Bohème – Tebaldi, Gobbi, Neri, dir. Santini (Naples 51, Dynamic)

Verdi : Luisa Miller – Kelston, Colombo, dir. Rossi (RAI 51, Cetra)

Verdi : Trovatore – Callas, Elmo, Silveri, dir. Serafin (Naples 51, Cetra)

Verdi : Trovatore – Mancini, Pirazzini, Tagliabue, dir. Previtali (RAI 51, Cetra)

Verdi : Trovatore -  Frazzoni, Marghinotti, Paneraï, dir. Basile  (Amstedam 54, Ponto)

Récital Nimbus, volume 1 « Giacomo Lauri-Volpi »

Récital Nimbus, volume 2  « Lauri-Volpi sings Verdi »

 

 

(1)      Franco Corelli : http://operachroniques.over-blog.com/article-5478102.html

(2)      Giovanni Martinelli : http://operachroniques.over-blog.com/article-5250385.html

Publié dans Oeuvres et artistes

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