Era la notte, Champs-Elysées, 05/05/2007

Publié le par Friedmund

   
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Rien à faire, la seconde tentative ne se sera pas révélée plus concluante en ce qui me concerne pour la partie théâtrale de ce spectacle. Le travail de Juliette Deschamps me semble le condensé d’un style pseudo moderne branché qui n’est qu’une forme contemporaine achevée du kitsch. L’alliage des costumes de Lacroix et du joli mur de bougies (c’est toujours joli les bougies…) relève d’une esthétique très « mode ». Au moins on ne choquera pas visuellement le bon public, et on se parera des habits avantageux d’une vision soi disante « moderne ». Tant pis si cette imagerie n’est que le consensuel reflet des conventions les plus plates de notre temps. Tant pis si la collection d’accessoires improbables, seaux, dague, colombe, armure, voile, bougies, pluie de sable, plan d’eau coloré et j’en passe, frise le ridicule et va à l’encontre du dépouillement intensément expressif du seicento. Tant pis si l’agitation scénique viole toute l’intériorité que porte ces pages. Tant pis si cette même gesticulation inhibe l’artiste et se fait au détriment de la musique. Tant pis enfin si on réduit le Beau majuscule à du joli minuscule. L’eurotrash, immédiatement détectable, me semble un bien moindre danger que ce nouvel académisme scénique qui point discrètement son nez, et dont nous subissons l’énième avatar cette saison après que le Châtelet tout entier ait déjà déposé les armes sur l’autel de la branchitude.
 
A m’être éloigné sensiblement de la fosse depuis mercredi, je noterai à la baisse la qualité de l’accompagnement orchestral, sans poésie ni éloquence aucune, voire lourdingue dans le Combattimento. Antonacci m’est par contre apparue en meilleure forme, et a distillé de superbes moments de chant, notamment dans ce même Combattimento, bien plus fluide et ému que mercredi dernier. La noblesse de la ligne, la pureté de l’émission, la beauté de la langue demeurent sans pareilles dès lors que la soprano se détend et qu’elle n’est plus obligée de mettre les pieds au mur toutes les deux minutes. Sa voix se perd néanmoins dans l’espace du TCE, d’autant plus qu’aucun élément de décor n’aide au renvoi du son ; cette salle n’était sans doute pas la mieux adaptée à ce spectacle. Il est tout de même paradoxal que cette artiste magnétique ait produit ici sa prestation parisienne la moins captivante alors que tout le spectacle est pourtant construit uniquement autour de sa personne. Arriver à museler Anna Caterina Antonacci, il fallait quand même le faire, et Juliette Deschamps y est tristement parvenu… Pour ma part, j’ai désormais hâte de retrouver la soprano italienne dans un contexte plus favorable à son immense talent. Gageons que cela ne saurait tarder.


En rédigeant ces quelques lignes, j’ai réécouté avec bonheur le disque issu de ce spectacle. J’en ai déjà dit plusieurs fois ici les limitations, notamment si l’on considère le Combattimento à l’aune de la discographie abondante de l’ouvrage. L’accompagnement orchestral prosaïque du Modo Antico de Sardelli reste par ailleurs sa principale et désolante faiblesse. Pourtant, ce disque permet de retrouver toute la beauté du chant et l’éloquence sans pareille de la belle Anna Caterina Antonacci, si désespérément peu enregistrée au disque. Et tout du moins peut-on ici l’entendre parfaitement et sans la pollution visuelle annihilante de la scène. Les trois lamenti de Strozzi, Monteverdi et Giramo suffisent à rendre ce disque indispensable aux nombreux admirateurs de cette artiste rare.
 

Publié dans Saison 2006-2007

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